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LA REFORME DU DROIT DES CONTRATS par Morgan Jamet
10 décembre 2016

ACTUALITE : LA DEFINITION DE LA COPIE FIABLE DONNEE PAR LE DECRET N° 2016-1673 DU 5 DECEMBRE 2016

Rappels

Une réécriture du droit de la preuve des obligations a été opérée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

L’article 1379 du Code civil, issu de ladite réécriture précise désormais :e

« La copie fiable a la même force probante que l'original. La fiabilité est laissée à l'appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d'un écrit authentique.

Est présumée fiable jusqu'à preuve du contraire toute copie résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte, et dont l'intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Si l'original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée ».

Ledit article a instauré un principe d’équivalence de la force probante de la copie d’un document avec celle de l’exemplaire original de celui-ci, dont les modalités de mise en œuvre restaient devoir être précisées par décret en Conseil d’Etat.

Le décret paru

Le décret « relatif à la fiabilité des copies et pris pour l'application de l'article 1379 du code civil » a été publié au journal officiel le 6 décembre 2016.

Il définit les conditions que doit remplir la copie pour être présumée fiable et donc pour constituer un moyen de preuve.

Est opérée à cet égard une distinction entre la copie physique et la copie procédant d’une reproduction par voie électronique.

  • La copie physique

Elle sera présumée fiable si elle résulte « d'un procédé de reproduction qui entraîne une modification irréversible du support de la copie ».

Une telle définition de la fiabilité de la copie physique ne paraît ni innovante ni sécurisante, mais pouvait-il en être autrement ?

Le droit a, il est vrai, été contraint depuis longtemps de faire preuve d’un certain pragmatisme. 

La définition retenue autorise une invocation aussi aisée de la copie physique que ne l’est son usage en pratique.

  • La copie procédant d’une reproduction par voie électronique

Les articles 2 à 6 du décret définissent les conditions auxquelles la reproduction par voie électronique d’un document original peut constituer une copie présumée fiable.

Lesdits articles prévoient que le procédé utilisé doit :

-         En premier lieu permettre l’identification de la copie (article 2) : « Le procédé de reproduction par voie électronique doit produire des informations liées à la copie et destinées à l'identification de celle-ci. Elles précisent le contexte de la numérisation, en particulier la date de création de la copie ».

-         En second lieu garantir l’intégrité de la copie (article 3) : « L'intégrité de la copie résultant d'un procédé de reproduction par voie électronique est attestée par une empreinte électronique qui garantit que toute modification ultérieure de la copie à laquelle elle est attachée est détectable.

Cette condition est présumée remplie par l'usage d'un horodatage qualifié, d'un cachet électronique qualifié ou d'une signature électronique qualifiée, au sens du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur ».

Les articles 4 et 5 traitent, eux des conditions de conservation de la copie ainsi que des données associées à celle-ci destinées à permettre de l’identifier (telles que prévues par l’article 2) :

« La copie électronique est conservée dans des conditions propres à éviter toute altération de sa forme ou de son contenu.

Les opérations requises pour assurer la lisibilité de la copie électronique dans le temps ne constituent pas une altération de son contenu ou de sa forme dès lors qu'elles sont tracées et donnent lieu à la génération d'une nouvelle empreinte électronique de la copie » (article 4).

« Les empreintes et les traces générées en application des articles 3 et 4 sont conservées aussi longtemps que la copie électronique produite et dans des conditions ne permettant pas leur modification » (article 5).

L’article 6 tend à imposer la mise en œuvre de mesures de sécurité relatives à l’accès au dispositif de reproduction et de conservation de la copie.

L’article 7 prévoit enfin que « les dispositifs et mesures prévues aux articles 2 à 6 sont décrits dans une documentation conservée aussi longtemps que la copie électronique produite », manifestement pour permettre d’apprécier si lesdits dispositifs et mesures sont de nature à garantir la fiabilité de la copie.

Le décret fournit indiscutablement des précisions fort utiles quant aux conditions auxquelles une copie procédant d’une reproduction par voie électronique pourrait dès lors constituer une copie fiable au sens de l’article 1379 du Code civil.

Ces précisions ayant en pratique surtout vocation à conduire le juriste à exiger du fournisseur de solution informatique un dispositif garantissant le respect des conditions posées, de telle sorte que la copie en résultant ne puisse se voir dénier la qualité de copie fiable.

Opinion

La détermination des conditions de fiabilité de la copie, physique ou électronique, ne sera malheureusement pas d’un grand secours dans les hypothèses où la présentation de l’original ne pourra plus être faite et que la solution à apporter aux difficultés nées d’un contrat reposera sur l’analyse d’un document présenté comme une copie dont l’authenticité sera contestée par l’une des parties.

La problématique posée par la copie, en pratique, demeurera toujours en effet de pouvoir s’assurer qu’elle n’est pas différente de l’original.

Or si le droit tend à assurer la fiabilité de la copie il n’en garantit pas l’authenticité dès lors que le seul moyen de le faire serait en réalité que les parties ou un tiers aient authentifié la copie et lui aient dès lors donné une nature équivalente à l’original comme le notaire authentifie la copie qu’il établit par son intervention.

L’article 1379 et le décret pris pour son application ne traitent pas de la problématique de l’authentification de la copie, mais uniquement de sa fiabilité par rapport à un document original qui peut ne pas avoir été le vrai document original objet d’une discussion entre les parties.

La conservation par les parties de l’original demeurera dès lors toujours en pratique une attitude prudente à adopter, quel que soit le procédé technique utilisé, pour éviter l’invocation d’une copie qui ne soit pas la copie dudit original.  

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