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LA REFORME DU DROIT DES CONTRATS par Morgan Jamet
5 novembre 2016

LA NOUVELLE ACCEPTION DE LA NOTION DE VIOLENCE : L'ABUS DE LA DEPENDANCE

La réforme du droit des contrats, à la faveur d’une réécriture du régime des vices du consentement, a instauré une nouvelle forme de caractérisation de la violence susceptible d’être commise à l’encontre d’une partie et de justifier l’annulation d’un contrat à sa demande.

Il s’agit de la violence qui serait constituée par l’abus, par une partie, de l’état de dépendance dans lequel se trouverait son cocontractant, lequel abus lui permettrait d’obtenir un engagement que le cocontractant n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et d’en tirer un avantage manifestement excessif.

Cette nouvelle acception de la notion de violence suscite intérêt et interrogations à plus d’un titre.

Sa prise en considération est certainement louable et utile, en ce qu’elle tend à favoriser la remise en cause du contrat qui aurait été imposé à une partie du fait de l’exploitation d’un rapport l’ayant empêché de s’y opposer réellement.

Elle poursuit à ce titre un objectif de prévention et de réparation du déséquilibre contractuel.

La rédaction du nouvel article 1143 du Code civil est cependant susceptible d’autoriser différentes lectures et nécessitera une interprétation jurisprudentielle définissant les limites exactes d’une telle forme de violence.

Il s’agira tout d’abord de savoir comment sera définie, progressivement, la dépendance, afin d’identifier les situations pouvant en être constitutives.

A cet égard, la généralité du terme conduit à penser que la dépendance pourrait être de natures diverses : économique, financière, technologique, matérielle, juridique …

Son inscription dans le temps pose plus de question. Devra-t-elle procéder d’une relation existante ou pourra-t’elle naître d’une situation ?

Sachant que, s’agissant d’une circonstance essentiellement factuelle, elle pourrait être l’objet d’une appréciation souveraine des juges du fond, propre à chaque espèce et exempte d’un contrôle de la cour de cassation.

Ensuite, un lien de causalité entre l’abus dudit état de dépendance du cocontractant et l’obtention de l’accord de celui-ci doit être établi.

Il est permis de se demander comment la partie qui invoquera le fait d’avoir été victime d’une telle forme de violence pourra démontrer un tel lien de causalité, reposant sur l’invocation d’un fait négatif, à savoir qu’un accord n’aurait pas eu vocation à être normalement conclu sans ledit état de dépendance.

Une telle démonstration risque de se confondre avec celle de l’avantage manifestement excessif que ledit accord conférerait à l’auteur de la violence, qui laisserait présumer que la victime n’aurait pas eu d’intérêt à la conclusion de l’accord.

Restera encore à savoir ce qui caractérise un avantage manifestement excessif, autre donnée factuelle qui est susceptible de ressortir de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Il résulte de ce qui précède que la rédaction de l’article 1143 du Code civil pose de nombreuses questions dont il est permis de penser qu’elles vont autoriser des tentatives judiciaires de les exploiter.

Le contentieux pourrait être significatif, dans un contexte économique propice à la commission de l’abus et à l’invocation du statut de victime.  

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